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On se marre de sa gueule, de sa taille ou de son bide

Bill déambule avec peine : il souffre d’obésité morbide

Bill a connu l’enfer que d’autres appellent école secondaire

Après deux ans, il a rejoint les rangs des décrocheurs scolaires

Pas très fiers, ses parents ont fini par lui montrer la porte

Bill avait un ou deux rêves, mais y’a fallu que son ambition avorte

Victime d’un défaut génétique, Bill a eu moins de chances que toi

Il s’est trouvé un coin où quêter et un petit chien qui aboie

L’argent qu’on lui lance, il l’économise puis la boit

Comme ça, il oublie un peu sa voix, son poids, et même le mois

Y’a plus personne qui parle des racailles

Pourtant, ils habitent la ville par centaines

Junkies, dealers, strip-teaseuses et bluesmen

Dans la nuit des temps, ils font partie du décor

Itinérants, soûlons et handicapés au triste sort

Sous les projecteurs, elle bouge telle une bête en rut

Pam ne pense pas aux prudes qui la traitent de pute

Voyez-vous, elle a dû mener une sacrée longue lutte

Entre les coups, les viols et la peur qu’on la bute

Son vieil amant violent a fini par être incarcéré

Sa liberté conditionnelle n’a pas été accordée

Pam a dû s’assurer de pouvoir payer le loyer

Loyale à ses habitudes, elle a choisi un sale métier

Avant trois heures, les billets de vingt s’accumulent dans son soutien-gorge

Ensuite, les billets bruns s’accumulent pendant qu’un pervers serre sa gorge

Y’a plus personne qui parle des racailles

Les bonnes gens passent, mais leur aura les effraie

Qu’ils existent ou pas, tant qu’ils ne génèrent pas de frais

Normal, les échecs vendent beaucoup moins que les succès

Alors ces foutues racailles, c’est leur histoire qu’on tait

Seul sous un porche d’une rue inconnue

Il allume la cigarette qu’on ne lui a pas vendue

Vagabond, il est à un millier de milles de sa maison

Il vit au jour le jour, de chance et de bon son

Y’a de la profondeur dans le blues qu’il joue

Une passion déchirante remplit ses joues

Son harmonica pleure et les gens s’arrêtent

Hypnotisés, ils oublient même leurs dettes

Ils n’hésitent pas à lancer des pièces dans sa casquette

Dans une semaine, il pourra s’acheter de nouvelles baskets

Y’a plus personne qui parle des racailles

Pourtant, ils habitent la ville par centaines

Junkies, dealers, strip-teaseuses et bluesmen

Dans la nuit des temps, ils font partie du décor

Itinérants, soûlons et handicapés au triste sort

Jeune, il avait toutes les chances du monde

Jules avait une voiture, une famille et une blonde

Pendant un des nombreux partys des soirées d’hiver

Son pote lui a fait découvrir un tout autre univers

Depuis, Jules jubile chaque fois qu’il se dope

Il réside dans une piaule confo : la drogue est son hôte

L’ascension s’est effectuée de manière fulgurante

Joints, pilules, traits, puis cuillère brûlante

Jules dort sur un vieux matelas, son coloc est un rat

Jules ne le sait pas encore, mais il mourra du SIDA

Y’a plus personne qui parle des racailles

Les bonnes gens passent, mais leur aura les effraie

Qu’ils existent ou pas, tant qu’ils ne génèrent pas de frais

Normal, les échecs vendent beaucoup moins que les succès

Alors ces foutues racailles, c’est leur histoire qu’on tait

Nerveux, il jette des coups d’œil furtifs aux alentours

Tom n’aime pas dealer dans ce coin des faubourgs

Les faux-culs qui y traînent n’ont jamais de fric

Et y’a pas moyen de faire un bloc sans croiser un flic

Mais sa dulcinée va bientôt finir par accoucher

Et Tom veut que son fils soit aimé, mais surtout gâté

Pas question qu’il vive la misère de son enfance à lui

Face à lui, un junkie le supplie de lui vendre sa dose moitié prix

Tom réfléchit, mais son bon cœur l’emporte, puis il plie

Après tout, avant d’être junkie, Jules a aussi été un bon ami

Y’a plus personne qui parle des racailles

Pourtant, ils habitent la ville par centaines

Junkies, dealers, strip-teaseuses et bluesmen

Dans la nuit des temps, ils font partie du décor

Itinérants, soûlons et handicapés au triste sort

Il s’essouffle à écrire des poèmes, épuisé et ivre

Il repousse l’écriture de son livre, l’acte de vivre

Il porte parfois le noir, histoire de cultiver une image sombre

Sa plume noire trace les contours d'histoires remplies d'ombres

Égocentrique, il parle de sa personne dans le dernier couplet

Il s’adresse à tout le monde et à personne, il ne sait pas trop ce qu’il fait

Hanté depuis des années, il tente, avec plume et papier

De se débarrasser de ses démons, de s’exorciser

Y’a le spleen ancré au fond de ses entrailles

Pendant qu'il raconte la vie de ces foutues racailles