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Je fais couler l’encre pour faire flotter des navires chavirés

Chaque virée a laissé mon corps plus abîmé, mon cœur plus déchiré

Ma plume plus aiguisée

Je joue du stylo pour raconter des histoires tristes

Ou pour offrir une aide à mes pairs qui résistent

Pour me rappeler qu’être heureux devrait être en haut de la liste

À cocher avant d’aller rejoindre mon père en bas de la piste

Parce que les mots me rappellent que j’existe

Et qu’il faut continuer d’emmerder ceux qui nous disent d’être réalistes

Vous avez qu’à vous servir dans le buffet des réalités

Levez-vous, prenez ce qui vous plaît, à volonté

De toute façon le service est pas bon au Restaurant La Conformité

Un autre établissement à boycotter

Je le fais pour les vieilles madames qui travaillent debout

Dans les restos, les dépanneurs ou les magasins à 100 sous

Qui nous entendent raconter à quel point hier on était saouls

Qui nous voient ne pas les voir, trop occupés par nous

Pour ces vieilles madames qui finissent chaque chiffre avec un mal de pieds

Ces travailleuses qui changeraient bien de souliers

Si seulement une augmentation leur serait accordée

Pour toutes ces mamans qu’on ne voit pas dans les téléromans

Ces mamans qui soupirent en s’assoyant sur leurs vieux divans

Trop fatiguées pour tourner les pages de leur nouveau roman

Blasées à l’idée de célébrer leurs 47, 52 ou 61 ans

Ces mamans qui croient plus trop en cette notion vague qu’est l’amour

Eh bien c’est plus que leur tour

De s’en faire parler

De se faire rappeler

Qu’il est jamais trop tard

Pour choisir d’y croire

Je brise mine après mine sur des feuilles lignées

Parce l’ignorance est le plus dur des murs à briser

Et la confiance le plus dur des liens à tisser

J’espère vous prendre dans ma toile d’araignée

Et vous envelopper de mensonges sincères

Le tissu faux a toujours été beaucoup plus chaud

Que le châle troué de la vérité

Le monde sait plus trop comment s’habiller

Notre seul pays c’est l’hiver, et on a de la misère à s’y faire

Notre seule vitre est givrée, et on a de la misère à y voir

Notre seul Dieu a le teint vert, et on a de la misère à y croire