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Une bonne amie à moi m’a surpris, il y a quelques jours, avec une question d’une simplicité brutale : « Es-tu heureux, Franck? »

Quand j’ai lu sa question, j’étais au bureau, alors je n’ai pu répondre que quelques lignes mi-philosophiques, mi-spirituelles. Sauf que le bonheur mérite plus qu’un petit paquet de lignes tapées à la hâte sur un clavier d’ordinateur. J’ai donc pris la décision de ressortir mon crayon et un des nombreux cahiers qu’on m’a offerts en cadeau. Maintenant parlons-en, si vous voulez bien, de ce bon vieux bonheur.

On voudrait tous être heureux, n’est-ce pas? Après tout, c’est ce qu’on se souhaite toujours dans les grandes occasions. John Lennon, une figure marquante des plus positives de notre culture contemporaine, affirmait que tout ce qu’il voulait dans la vie, lui, c’était être heureux (mais ça, vous devez déjà le savoir, avec les tonnes de photos de sa citation circulant sur nos réseaux sociaux). Eh bien, j’ai une nouvelle pour vous : le bonheur est surestimé. On y accorde trop d’attention, trop d’importance. On se le fait présenter comme le but ultime du citoyen civilisé, mais cette poursuite du bonheur dont on parle tant est futile, parce que le bonheur, c’est un nomade. Il se promène pas mal, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Tantôt chez vous, tantôt chez nous. Vous ne me croyez peut-être pas, mais je vous jure que c’est comme ça que ça se passe. Le bonheur est un nomade qui cogne à votre porte quand le moment est venu, quand l’occasion est bonne. Le bonheur est du genre à se pointer le nez quand vous savourez une victoire bien méritée. Et comptez sur lui pour être là le jour où vous allez serrer pour la première fois votre nouveau-né dans vos bras. C’est aussi un grand amoureux de l’amitié, alors il ne se gênera pas pour débarquer le soir où vous rirez et boirez entre amis. D’autres fois, il vient faire son tour dans des moments où on l’attendait moins : il se peut qu’un soir, en marchant tranquillement dans les rues, vous vous retourniez pour voir que le bonheur vous suit pas trop loin derrière. Mais il a beaucoup de chemin à faire, le vieux bonheur, et il y a des jours où il ne pourra pas être là.

Alors quoi faire, quand le bonheur est occupé? C’est dans ces moments qu’il faut apprendre à mieux connaître sa sœur, la sérénité. Voyez-vous, la sérénité, elle, est plus de nature sédentaire que son petit frère le bonheur. Si vous lui offrez de rester, si vous lui faites assez de place, elle va s’installer sans vous déranger, bien au contraire. À son âge, elle en a vu d’autres, comme on dit. C’est avec elle que vous devez nouer le plus de liens, avec elle que vous devez cheminer, jour après jour. Parce que quand son petit frère a fini de se réjouir avec vous, quand la routine reprend et que les problèmes refont surface, c’est elle, cette vieille femme puissante, qui vous donnera sa force. De la force pour quoi? De la force pour rire malgré la douleur, pour avancer malgré les tempêtes, pour pardonner et, finalement, pour accepter. Avec la sérénité à vos côtés, vous finirez par apprendre l’art de souffrir en paix.

Et on souffre tous, un jour où l’autre, croyez-moi. C’est l’inévitabilité du destin de l’Homme. Nos cœurs sont fait trop fragiles, et ils déchirent tous à quelques reprises dans une vie. Je crois que notre valeur en tant qu’être humain se mesure aux souffrances que nous surmontons. Je crois qu’être serein, c’est être à l’aise dans son corps et dans son esprit. C’est accepter la responsabilité de ses choix et en voir la limite. C’est s’élever par-dessus le malheur, parce qu’on sait le reconnaître, ce maudit oiseau noir qui essaie trop souvent de s’inviter. Être serein, c’est être en paix avec soi-même, en paix avec le monde. Être serein, c’est difficile. C’est aussi pourquoi la sérénité a plus de valeur que le bonheur. C’est pourquoi je vous souhaite d’être heureux, passionnés, mais surtout sereins. Maintenant que vous la connaissez mieux, la sérénité, apprivoisez-la, tranquillement. Je vais essayer de faire pareil. Ensuite, on n’aura qu’à la garder dans notre manche : elle sera toujours notre meilleure carte face à la main imprévisible du destin.