Ton paquet de cigarettes

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Lui? C’était pas vraiment ton âme soeur, ni ton amoureux. Ni ton chum, ni ton homme. Non. C’était plus comme ton paquet de cigarettes. Ton paquet de cigarettes magique, qui se remplissait tout seul quand y’en restait plus. Ta boucane éternelle. Oui, oui, je le sais que tu l’aimais un peu beaucoup énormément tout le temps. T’aimais ça, fumer. Qui peut te blâmer? Les futurs que tu soufflais dans des nuages de fumée avaient l’air si beaux, si proches. Dommage qu’y suffisait d’un coup de vent pour les éclipser.

« Si seulement y ventait moins, »  que tu te disais. Ah, puis y’a la lumière qui brillait au bout, chaque fois que tu en allumais une. La petite lumière orange, qui se rapprochait de ton nez retroussé, lentement, sûrement, éclairant tes yeux fatigués. La petite lumière orange, la seule luciole d’espoir que t’avais, qui finissait tout le temps par mourir sur un botch. Mais bon, tu continuais de t’en allumer, des clopes, parce que t’aimais ça, fumer. Qui peut te blâmer? Après tout, c’était un sacré beau paquet que t'avais là, bien enveloppé. En plus, pendant un bout, le monde te trouvait cool, avec ton pack. Mais un jour le monde se sont mis à te dire que c’était pas bon pour la santé. T’as vu une couple de docteurs, puis ils t’ont tous dit que t’étais trop jeune pour être aussi intoxiquée. Que tu devrais arrêter maintenant, pendant qu’il était encore temps. Que c’était pas bon pour ta santé. Comme si tu le savais pas déjà. Tu les avais lus, les avertissements sur le paquet. Tu l’avais vu, ce que ton paquet avait fait à d’autres avant toi. Tu le savais.

Un matin, tu t’es réveillée en toussant. Sans t’en soucier, t’as sorti une cigarette de ton paquet, puis tu l’as allumée. C’est à ce moment-là que tu t’en es rendu compte : t’aimais plus ça, fumer. Tu le faisais juste par habitude. Tu le faisais parce que c’était plus facile de faire un truc que t’avais fait 1000 fois, qu’un truc que t’avais jamais essayé. « Maudite routine, » que tu te disais.

Un autre matin, tu t’es réveillée, plus capable de respirer. Tes amies t’ont rentrée à l’urgence, dépassées. Après ta crise, quand on a fini par remettre un peu d’air dans tes petits poumons, t’as eu droit aux speechs des amies proches. Elles te l’ont dit, que ça avait plus de bon sens. Que tu devrais plus y toucher, à ton foutu paquet. T’as acquiescé. Comme si tu le savais pas déjà. Après t’avoir dit qu’elles t’aimaient, tes amies sont parties, te laissant seule avec ta mère. Et puis là, ta sainte de mère, elle t’a fait une confession : elle avait déjà fumé, elle aussi, quand elle était jeune. Pas mal. Pendant quelques années, avant de rencontrer ton père, elle avait traîné le même de genre paquet que toi dans sa sacoche de jeune fille. Elle a pleuré en te racontant ça. Pas pour le show, mais bien parce qu’elle avait de la vraie peine. Puis quand t’as vu ses vraies larmes couler sur ses joues, tu t’es dit que c’était fini. Que t’arrêtais de fumer. Que ça l’avait assez duré.

Quand t’es sortie de l’hôpital, t’as pris une grande inspiration et t’as pitché ton pack le plus loin possible. Y’est tombé par terre sans faire de bruit. Y’est habitué, d’être par terre. T’étais contente, donc t’as appelé tes amies pour célébrer. Pour boire et chanter; pour faire ce que le monde ont appris à faire quand ils sont censés être heureux. Après ton sixième apricot brandy, tu y pensais plus pantoute, à ton paquet. Lui, il est resté là où tu l’as jeté. Il est resté par terre, à attendre qu’une passante ait envie de fumer.