À coups de Colt

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La nouvelle complète s'étale sur 17 pages. Pour ceux qui l'ont lue, j'espère que le Shérif et ses aventures ont su vous divertir.

Partie 1 : Une étoile s’éteint

Mon chapeau avait quitté ma tête. Il battait derrière moi, frappant mon dos au rythme des sabots. Retenu par un lacet de cuir serré sur ma gorge, il tentait de s’enfuir avant qu’il ne soit trop tard. Terni par le soleil, il avait mordu la poussière autant de fois que moi. Mon plus compagnon, mon fidèle couvre-chef, voulait maintenant s’envoler et me laisser seul avec ma folie. Le vent sifflait à travers ses trous, comme pour m’avertir une dernière fois. Les balles aussi sifflaient autour de moi pendant que je fonçais à vive allure à travers la plaine. J’entendais le halètement saccadé de ma monture, accompagné du cliquetis métallique de mon Colt 45, bien logé dans son étui. Le battement de mon cœur, quant à lui, dominait tout autre son : il tambourinait dans ma poitrine, comme seul un cœur sachant que son heure approche pouvait le faire.Borné, j’incitai ma monture à accélérer avec un coup de talons. Une fois à portée de tir, je dégainerais. Mon vieux Colt tremblait d’envie de faire rugir son canon.

La vieille étoile de shérif qui ornait ma poitrine avait perdu de son éclat. Le chiffon noir collé à mon visage, lui, brunissait de poussière. Quand la justice nous enlève la famille, on perd automatiquement foi en elle. J’avais longtemps été l’ardent défenseur d’un code moral et civil qui ne revêtait plus aucune importance à mes yeux. Je n'étais plus le défenseur de quoi que ce soit. Je n'étais que le vengeur de ce qui avait été. Le vengeur de ce qui m’avait été enlevé. Mourir? Abandonner? Trop facile. Mon corps était un volcan bouillant de rage. Tout ce que je pouvais faire, c’était tenter de brûler le plus de coupables possible. Ils devaient payer. Quel était mon plan? Tuer. Tuer autant de ces enculés que faire se pouvait. À coups de Colt, défouler mon désespoir. À coups de Colt, semer la douleur.

Ces idées sombres traversaient mon esprit embrumé alors que je me dirigeais à grand galop vers l’ouest, vers ce train maudit. J'entendais l’acier de ses roues crier sur les rails de métal rouillé et la vapeur s’échapper frénétiquement de la locomotive, comme le souffle d’un animal pris en chasse. Plus près, je pus apercevoir les longs bras de métal mobiles propulsant ma proie. Elle ne m’échapperait pas.

Ma cible se rapprochait. Les balles ne sifflaient plus à mes oreilles : elles y rugissaient. J’entendais chaque coup tiré de façon distincte, comme si le tonnerre essayait de s’abattre sur moi. Presque amusé, je me demandai si le personnel de l’armée britannique corrigerait sa précision avant que je n’arrive à destination.

Ça y’est, j’étais assez près. Pas assez près pour le Colt, mais juste assez pour la Winchester. D’un mouvement sec, je saisis ma chère carabine, posée sur mon dos depuis tout ce temps. Le bois du manche était humide, et son canon froid comme l’hiver. Je comptais bien le réchauffer. Certains cavaliers expérimentés diraient que tirer à deux mains en chevauchant à grande vitesse est une activité des plus dangereuses. Ils n’ont pas tort. Cependant, rendu où j’en étais, il aurait fallu plus que dangereux pour m’arrêter.

Serrant de mes jambes ma monture d’ivoire, j’appuyai sur mon épaule ma vieille Winchester et saisis fermement mon garde-main. Surtout, je devais rester concentré. Enragé, mais concentré. Une dizaine de soldats aux fenêtres, carabines à la main. Un peu plus de la moitié de ce nombre accroupis sur les toits, presque aveuglés par le vent qui y soufflait. Le reste devait se terrer dans les wagons précédents. D’abord, ceux aux fenêtres. Fermant un œil, je laissai mon doigt usé flirter avec la détente jusqu’à ce que mon instinct verrouille ma première cible. Un jeunot en uniforme tomba d’une fenêtre et passa sous le train d’un coup sec, teintant le bas du wagon d’écarlate. Les calibres 44 sortaient de la chambre à un rythme calculé, rapide et effrayant. Les secondes entre mes tirs leur permettaient peut-être de prier vite fait pour le salut de leur âme. Trois secondes de pitié, c’était tout ce qu’ils obtiendraient.  Chaque coup tiré se logeait dans une cible avec une précision mortelle. Après quinze coups et le même nombre de morts, ils désertèrent les fenêtres, les voilèrent, puis quittèrent les toits.

Le temps était venu de sauter dans la gueule du loup. Rendu assez près de la porte arrière d’un wagon, j’y tirai ma carabine et me préparai à passer à l’action. J’avais entendu plusieurs histoires concernant des voyous qui avaient tenté de sauter à bord d’un train en mouvement. La plupart n’avaient pas une fin heureuse. Eh bien moi, je n’étais pas un voyou et j’en avais rien à foutre d’une fin heureuse. Je fis un signe de croix pour la forme, saisis les rênes solidement, puis sautai légèrement. Les deux pieds sur la selle, je tentais aussi bien que mal de garder mon équilibre. Il s’agissait simplement de sauter plus loin que la rambarde; je devais tenir compte de la vitesse du train. Bordel! Mon coeur battait plus qu’une fanfare de tambours. Pas le temps d’hésiter. Avec un grognement, je bondis vers cette bête métallique que j’avais décidé de prendre en chasse. Mes mains réussirent de justesse à attraper la barre de métal. Reposant mon chapeau sur ma tête, je vis une scène qui aggrava la fracture de mon cœur déjà brisé : mon étalon blanc, à bout de souffle, tentait vainement de suivre le train sur lequel je venais d’atterrir. S’il était resté quelques larmes en moi à cet instant, j’en aurais versé une. Lors de ma chevauchée à travers la plaine poussiéreuse, j’avais paralysé ma peine. Derrière la porte de ce wagon, j’allais l’exorciser. J’avais déjà dégainé mon révolver, inconsciemment. Il était temps d’en finir, à coups de Colt.

Partie 2 : Tout le monde descend

Mon frère cadet avait foiré. Il avait volé les terres d’un riche propriétaire, un colonel de l’armée britannique. Bien sûr, sa bande avait omis de mentionner cet important détail avant la nuit cruciale. Joseph Smith, le vieux militaire, s’était réveillé en pleine opération, inquiété par le bruit. Mon frère, surpris par son apparition, lui avait instinctivement tiré dessus, trouant son épaule gauche. En cavale pendant des jours, sa troupe de brigands et lui avaient dû fuir sans la moitié de leur butin. Comme si ça ne suffisait pas, il avait aussi eu la brillante idée de venir se réfugier à la maison, ne sachant plus vers qui se tourner. Ma femme était seule avec mon fils lorsqu’il est arrivé. La rumeur avait couru en ville plus rapidement que prévu, et le colonel, jugeant cette histoire personnelle, avait décidé de dépêcher deux pelotons de ses hommes pour attraper le coupable.

Je chassai ces souvenirs d’un coup de tête. Rester concentré. Deux pelotons. Plus ou moins soixante hommes. Moins quinze (la Winchester). Quarante-cinq. Il faudrait tirer pour tuer : pas question de se prendre une balle venant d’un blessé patriotique désespéré. Touchant mes deux ceintures de munitions, je comptai rapidement dans ma tête. Quarante. Quarante plus six, déjà installées confortablement dans les chambres de mon flingue. Jolie marge de manœuvre. À ce moment, la rage dans mes veines fit taire mon esprit rationnel, convaincu que mon ratio de chances me mènerait à ma perte. Serrant les dents et le manche de mon arme, j’ouvris la porte en silence. Deux soldats me tournaient le dos, occupés à surveiller la mauvaise extrémité du wagon. Je fis glisser lentement mon poignard hors de ma botte et l’agrippai fermement de la gauche, lame vers le bas. Ma respiration était profonde et calme; mon cœur, agité et décidé. D’un seul mouvement, je plantai avec force mon poignard dans la jugulaire de celui de gauche et appuyai le canon de mon Colt sur la tempe de celui de droite. Quand je sentis la lame mordre, je pressai la détente : deux jets de sang éclaboussèrent les murs. Alors que mes deux victimes peignaient leur dernière fresque, la porte avant s’ouvrit d’un coup, laissant passer des militaires alarmés par la détonation. Je profitai de leur instant de stupeur pour assurer ma sécurité. Tenant toujours le manche de mon couteau enfoncé, je positionnai le soldat mourant devant moi. Son visage ensanglanté se colla au mien. Un œil fermé, sentant mon bouclier humain amortir les tirs qui m’étaient adressés, je vidai les cinq balles qui me restaient sur les pauvres hommes coincés dans l’étroite embrasure de la porte. Lâchant le manche de mon poignard, je poussai d’un coup de pied le cadavre vers mes assaillants, puis plongeai à l’abri derrière un banc rembourré. Je devais recharger, et vite.

Les six trous étaient remplis à nouveau. Environ une dizaine d’hommes fusillaient le banc et la table derrière lesquels je me cachais. De l’autre côté de l’allée, une mare de sang s’écoulait tranquillement de mon premier mort. Je vis son révolver, chargé, qui m’attendait dans son étui. Comment venir à bout des deux pelotons? En doublant ma puissance de feu. Mon objectif? Traverser sans me transformer en passoire humaine : rien de plus simple. Saisissant mon chapeau, je l’embrassai vite fait puis l’envoyai voler dans les airs. Pendant les trois secondes où il attira les balles ennemies tel un aimant, je replongeai de l’autre côté du wagon. J’atterris en roulant, ou plutôt en glissant, dans une flaque rouge et chaude.

Ne perdant pas un instant, je saisis le pistolet puis me levai en hurlant, tirant de mes deux canons sur tout ce qui bougeait au fond de la pièce. Je courais, je glissais sur le sol, je zigzaguais, mais surtout, je tirais. Et je faisais mouche. Les balles de quelques chanceux me frôlèrent et ouvrirent quelques plaies brûlantes, mais aucune ne m’atteignit en plein cœur ou en pleine tête. À court de munitions, je projetai violemment un révolver au visage du dernier soldat debout. Basculant sous l’impact, il envoya le coup de sa carabine au plafond, laissant ainsi entrer un rayon du soleil. Je profitai de sa perte d’équilibre pour frapper d’un coup de pied sec sa rotule droite. La poussière, visible dans le halo de lumière, volait dans tous les sens. Jurant, il s’affaissa sur le tapis taché. Je déposai mon pied sur sa gorge et m’agenouillai sur lui. Tranquillement, je détachai l’étui qui retenait son pistolet. Je libérai son arme sans jamais le quitter des yeux. Je voyais la terreur dans son regard. Ses yeux s’écarquillèrent davantage lorsqu’il entendit le déclic familier annonçant l’enclenchement du système de percussion de l’arme. J’insérai de force le canon dans sa bouche qui refusait de s’ouvrir. Je ne sentais plus rien. Je n’étais plus moi-même. Qu’étais-je donc devenu? Un tourbillon de souffrance semant la douleur. Incapable de pleurer devant les larmes du pauvre homme, j’appuyai sur la détente en détournant le regard.

Partie 3 : Tout le monde descend (suite)

Nous vivions dans un bâtiment presque neuf, à l’étage, juste au-dessus du magasin général. J’avais acheté le tout à la suite du décès de mes parents, après avoir vendu leur ferme d’élevage. Ma femme et mon jeune fils Alex géraient le commerce, qui allait de bon train, et moi, j’exerçais avec fierté ma profession de shérif. Les gens de la région adoraient notre petite famille : ils profitaient quotidiennement de nos bas prix sur une variété de produits essentiels. Quand les hommes du colonel Smith les avaient menacés, cependant, ils avaient vite oublié l’affection qu’ils nous portaient et rapidement pointé du doigt le magasin général. Les témoignages qu’on m’avait livrés illustraient tous la cruauté des événements.

« Votre frère? Oh… et bien… c’est pas qu’il voulait pas hein. Il a bien essayé de les repousser, mais c’était quelque chose comme un contre soixante, si vous comprenez ce que je veux dire, Shérif. Je crois qu’il a dû se prendre quelques balles en tentant de les dégommer, le pauvre. »

« On entendait Alex pleurer, mais on pouvait pas bouger d’un poil; les militaires nous braquaient leur carabine dessus dès qu’on approchait. C’est pas qu’on voulait pas, mais, hmm, on voulait pas crever, Shérif.  »

« Comment ils s’y sont pris? Vous êtes certain de vouloir entendre l’histoire? Bon… eh bien, okay, comme vous voudrez… Une demi-douzaine d’entre eux ont bloqué les accès, puis ont mis le feu un peu partout, balançant des torches et de la paille par les fenêtres cassées. Ils se marraient chaque fois qu’un bruit sortait du brasier, et ils plombaient votre beau chez-vous à volonté. Des vrais enculés, ces mecs-là, si vous voulez mon avis. »

« Le plus triste, Shérif, c’est quand on a entendu Madame Rose hurler. Ça sonnait pas humain, vous voyez? Le village au complet a eu des frissons quand elle a poussé ce cri-là. »

Je saignais beaucoup. Le reste des troupes arriverait d’un instant à l’autre. Penser, vite. Rester concentré. Alors que mon regard balayait la pièce ensanglantée, une idée me traversa l’esprit. J’empoignai un des nombreux cadavres au sol, puis le débarrassai de ses vêtements. Après avoir enlevé ma chemise rougeâtre et mon pantalon déchiré, j’en habillai le macchabée qui me servirait d’appât. J’enfilai rapidement son uniforme troué avant d’installer son corps inerte sur une table au fond du wagon, face contre terre. J’allai m’étendre douloureusement parmi les soldats morts, à l’autre extrémité de la pièce. Une fois au sol, je remplis mes deux révolvers et pris une profonde inspiration.

Ils arrivèrent. Les yeux fermés, j’entendais des chuchotements nerveux accompagnés de pas discrets. Un après l’autre, ils passèrent avec nonchalance sur mon corps endolori. Je tentai de compter leur nombre, retenant de peine et de misère un gémissement de douleur. Une dizaine d’hommes, tout au plus. Contrairement à leurs camarades, ils avaient opté pour une approche moins agressive, ne sachant pas vraiment à quoi s’en tenir. Mon subterfuge n’en serait que plus efficace. Combien de temps prendraient-ils avant de dénicher ma fausse carcasse? Allongé parmi ceux que je venais d’envoyer en Enfer, je me demandai si je serais le prochain à franchir ses portes enflammées. Ils atteignirent enfin le fond de la pièce. Je ne les voyais pas, mais je savais précisément où leur attention se dirigerait. Quand les murmures timides se transformèrent en exclamations de surprise, je sus que les poissons avaient mordu. Repoussant les corps sous lesquels j’étais enfoui, je les visai soigneusement. Douze soldats conversaient, regroupés autour de ce qu’ils croyaient être ma dépouille meurtrie. Sans même me lever, je laissai les deux canons de mes pistolets chanter de concert. Avant qu’ils ne comprennent ce qui se passait réellement, ils moururent presque tous. Un visage rempli de haine se retourna ensuite vers moi, et, vu le son de mes armes m’indiquant que j’étais à sec, je crus comprendre que ma chance avait peut-être tournée. « Ça y’est, c’est fini. » Il leva lentement sa carabine et esquissa un affreux rictus tandis que son doigt pressait délicatement la détente. Un violent choc percuta mon épaule, et mes deux révolvers vides tombèrent. Touchant le point d’impact par réflexe, je serrai les dents. Quel naze! Même pas foutu de m’éliminer d’un coup! Roulant de douleur sur le ventre, je l’entendis approcher en riant. Rechargeant son arme, il m’interpella :

« - Alors, quelles seront vos dernières paroles, Shérif? »

J’étais cloué au sol et je n’avais aucune idée de ce qu’allaient être mes dernières paroles, jusqu’à ce que je croise le regard vide du soldat dans lequel j’avais planté mon poignard de chasse. À l’autre bout du wagon, le manche visqueux dépassait toujours de son coup, planté jusqu’à la garde. Je devais me rapprocher.

« - Sans carabine, t’aurais les couilles de m’achever, soldat? »

Éclatant de rire, il tira son arme sur le plancher. Il m’informa gentiment que je venais de me négocier une mort lente et pénible :

« - Comme ton idiot de frère, ta pute de femme et ta larve de môme, tu vas crever, le justicier. Et je vais m’assurer que ça soit plus douloureux que de se faire lécher par de petites flammes. »

Je fis mine de fuir vers la porte le plus près. Il m’asséna alors une violente série de coups de pied qui m’envoya rouler dans la direction opposée. « Parfait, enfoiré, continue comme ça. » Je lui crachai mon sang à la figure. Furieux, il me botta de plus belle. J’atterris à quelques mètres plus loin, soit à dix centimètres de mon couteau ensanglanté. Les yeux fixés sur le regard vide de vie de ma première victime, je saisis fermement le manche de mon poignard de ma main droite. Au moment où mon assaillant se pencha pour me retourner, je roulai rapidement sur le dos en fendant l’air de ma lame. Une plaie oblique s’ouvrit sur son visage et  son sang se mélangea au mien. Agrippant sa figure à deux mains, il hurla, puis courut dans tous les sens, aveuglé. Je m’emparai de la carabine qu’il avait rechargée et lui tirai dans un pied, l’obligeant à s’étendre devant moi. Non sans difficulté, je me relevai et repris mon vieux Colt. Un bon coup de talon le projeta sur le dos. Posant l’éperon de ma botte sur son torse, je lui posai une question bien simple :

« - Sais-tu compter?

- Ce n’était que les ordres, je vous jure!

- Compte avec moi. »

Avec une lenteur effrayante, les six chambres vides de mon arme se remplirent des dernières balles sur ma ceinture :

« - Un.

- Shérif, réfléchissez un instant!

- Deux.

- Vous finirez pendu comme les crapules que vous mettez derrière les barreaux!

- Trois. »

Après trois, s’étant rendu compte que la persuasion rationnelle ne pourrait pas aider sa pauvre cause, son discours devint plus émotionnel, plus désespéré.

« - J’ai une famille, je vous en supplie!

- J’en avais une, moi aussi. Quatre.

- Shérif, je ne reverrai plus jamais mon fils!

- Moi non plus. Cinq. »

Pleurant, il essaya d’articuler à travers les larmes qui se mélangeaient à son sang :

« - Pour l’amour de Dieu, épargnez-moi!

- Dieu n’a plus rien à voir là-dedans. Six.

- Pitié!!!

- Vous auriez dû en avoir. Au moins pour ma femme et mon fils. »

Fixant son visage blessé et torturé, j’y vidai sans interruption les six balles que j’avais comptées avec lui.

Partie 4 : À bout de souffle

J’inspectai un à un les visages et les tenues des militaires, afin de repérer un grade ou un restant de figure me confirmant la mort du colonel. Une demi-heure plus tard, j’arrivai à la conclusion suivante : Joseph Smith s’était soit barré, soit barricadé dans ses quartiers. Wagon après wagon, je cheminai vers cette section éloignée du train. Tout était déserté. Mon plan, simple, fonctionnerait sûrement. « Défonce la porte et colle-lui-en une entre les deux yeux avant qu’il ne t’abatte. » La voix de la vengeance commandait encore mes actions, et je ne comptais pas lui mettre des bâtons dans les roues. J’atteignis la porte de la dernière voiture; ses gonds cédèrent sous mon robuste plaqué d’épaule. Ma violente irruption dans la pièce n’ébranla pas une âme : les appartements étaient abandonnés depuis longtemps. L’aspect des lieux, pourtant, me choqua. Le contraste entre la luxueuse propreté m’entourant et le bourbier sanglant dont je m’étais extirpé m’étourdissait. Confus, je posai un genou par terre. « Il a foutu le camp… il s’est échappé. »

D’instinct, je cherchai un bout de tissu pour bander mes nombreuses plaies. Le contenu d’un des tiroirs s’avéra utile, et je pansai mes blessures grossièrement. Je me laissai choir dans un joli fauteuil, épuisé. Un petit miroir, posé sur la table adjacente, m’offrit la chance de constater mon piteux état. Tannée par le soleil, ma peau de cuir semblait plus ridée que jamais. Le bleu de mes yeux avait coulé à travers toutes les larmes versées la semaine dernière. Mes iris gris, vides d’émotion, fixaient mon reflet dans la glace. « Tu fais quoi, à présent? » Le train n’allait pas tarder à atteindre sa destination. Une fois à Black Owl, c’était terminé pour moi. Si les autorités corrompues ne m’attrapaient pas à la gare, les hordes de hors-la-loi s’occuperaient de moi avec plaisir. «  Tu sautes ou t’attends, mon vieux. » À moitié mort, je ne survivrais que quelques jours dans les terres arides. Mourir de faim ou bien finir scalpé? Hors de question. Je tenterais donc ma chance à Black Owl, la capitale du péché. Je sortis mon harmonica et jouai jusqu’à mon arrivée.

***

On me sortit brusquement de mon semblant de coma :

« Terminus, tout le monde descend, cria un homme à l’haleine fétide.

- …

- Allez Shérif! On est arrivé. Z’avez fait un putain de carnage, vous savez? On va vous féliciter dans les Cages, j’en suis sûr. »

Trop près de mon visage, il dégageait une odeur corporelle insupportable. Ses dents, croches et cariées, s’étalaient dans un sourire épouvantable. Le shérif du coin, laid comme un pou, avait dû être un des derniers à piger dans le sac à figures, comme disait ma mère. Il m’observait attentivement, se régalant de la scène. Ses deux acolytes pointaient leur canon en ma direction. On allait me foutre dans les Cages – le système carcéral illégitime du coin – puis me pendre en public ou m’exécuter.

« - Butez-moi tout de suite, qu’on économise le temps de tout le monde, répondis-je à voix basse.

- Vous voulez rire? Z’avez pas idée du spectacle que ça va faire ici, pendre un vrai de vrai shérif! Nos honorables citoyens ont déjà commencé à parier sur la durée de votre gigotement avant que vous ne creviez. »

Les deux costauds m’agrippèrent par la chemise et m’emmenèrent à l’extérieur. Ma vision, embrouillée, s’éclaircit au fur et à mesure qu’ils me traînèrent dans les rues. « Black Owl, murmurai-je en crachant par terre. Aussi hideuse qu’on le raconte. » Des ordures et des excréments jonchaient la route; les rues agissaient pratiquement à titre de dépotoir. Des cris fusaient de toutes parts. La déchéance régnait, maîtresse dans ce bled pourri. Une prostituée sortit en trombe d’un bordel, des larmes roulant sur son visage tuméfié. À travers les coups de feu et les rires haineux, je l’entendis psalmodier une malédiction quelconque. Dire que je mourrais dans un des trous les plus sales de la colonie, sans même avoir obtenu ma vengeance. Joseph Smith se tordrait de rire lorsqu’il apprendrait la nouvelle.

Non sans mal, nous arrivâmes à la prison. On m’installa sur un banc rigide. Je ne leur opposai aucune résistance lorsqu’ils arrachèrent mon étoile dorée. Ma tête tournait, et je pensais bien y passer, faute d’avoir assez de sang dans les veines. L’apparence du bureau du shérif n’inspirait pas confiance; le désordre suggérait un manque de professionnalisme flagrant. Il envoya un télégraphe tout en me jetant des coups d’œil malicieux. À qui pouvait-il bien écrire? À Smith? Peut-être négociait-il une rançon, ou un truc du genre. Mais pourquoi le colonel payerait-il quand la ville viciée elle-même le débarrasserait de son problème? Peu importe, je crèverais d’une manière ou d’une autre. Un soupir s’échappa de mes lèvres, me valant une claque derrière la tête :

« La ferme! »

Le shérif remplit un formulaire, le serra dans une chemise jaunie, puis fit signe aux deux députés de m’emmener. Leurs grosses mains empoignèrent mes biceps. Ils me projetèrent contre le mur et me menottèrent. Mon Colt, mon chapeau et mes maigres possessions furent tirés dans un sac de toile. Du bout d’une carabine, on m’indiqua la direction à suivre. Une clameur montait derrière la porte d’acier permettant l’accès aux Cages. On avait dû les informer de ma présence; ils pouvaient sûrement la sentir, en fait. Des années durant, j’avais pourchassé, arrêté et enfermé des truands de la sorte. Indirectement, j’étais responsable de la mort de dizaines de criminels. Les choses avaient changé. À coups de Colt, j’avais rejoint leurs rangs. Aujourd’hui, je pénétrais dans leur antre. La rencontre promettait.

Partie 5 : En cage

En 1783, la Grande-Bretagne, forte de siècles d’expérience en stratégie militaire, était sortie victorieuse de la Guerre d’indépendance. Le souffle de révolution qui avait secoué la colonie américaine s’était dissipé; la défaite avait sectionné la colonne vertébrale des patriotes. Les chefs des insurgés avaient presque tous été exécutés publiquement. Un siècle plus tard, l’idée d’une Amérique libre flottait toujours dans l’esprit des enfants de certains vétérans, mais le peuple colon manquait maintenant d’éducation, de volonté et, surtout, d’espoir. La présence de la métropole, toutefois, ne se manifestait que sous la forme de l’armée, violente et autoritaire. La royauté, dégoûtée de sujets aussi irrespectueux, avait retiré du décor tout individu capable d’organiser la colonie, confiant ainsi la gestion minimale des territoires à une partie de sa force armée. Cette dernière s’emparait donc de la majorité des productions et des richesses, puis les envoyait de l’autre côté de l’océan. Le reste du « pays » s’était fracturé en de petites régions autonomes, et l’ombre d’un gouvernement stable ne planait plus sur la Colonie britannique d’Amérique depuis belle lurette. Dans certaines de ces régions, on prônait encore l’asservissement des races « inférieures ». Le concept de justice, plutôt relatif, avait ouvert la porte à des pratiques législatives et commerciales douteuses. Les Cages de Black Owl n’étaient qu’un exemple parmi tant d’autres.

En me rendant à ma cage, je comptai une vingtaine de cellules. Un furieux mélange d’émotions secouait les prisonniers. Certains, tiraillés entre admiration et haine, gardaient le silence. D’autres me criaient toutes sortes de bêtises :

« On a changé de camp, Shérif? »

« Des couilles, pour sûr, vous en avez une sacrée paire! »

« Que vous ayez buté dix, vingt, ou cent Brits, ça change rien : on vous fera la peau avant même qu’ils vous passent la corde! »

« Faites pas vos prières, personne va vous entendre dans ce trou. »

Leurs insultes et leurs menaces ne m’inquiétaient pas : toute la racaille de Black Owl tenait à son spectacle macabre, et les députés me garderaient en vie jusqu’à ma pendaison. Combien de temps me restait-il? Très peu. Les « hommes de loi » de la ville ne réussiraient pas à contraindre les condamnés des Cages et les brigands des environs bien longtemps. Avec un grincement agaçant, la porte de ma cellule s’ouvrit. On m’y lança, littéralement.

La cellule mesurait 8 pieds par 5 pieds. Dans un coin, une odeur pestilentielle se dégageait d’un trou crasseux. Je compris rapidement de quoi il s’agissait : les toilettes. Mis à part cette intéressante installation sanitaire, la pièce ne comptait aucun autre meuble. Les émanations de sueur, d’urine et de matière fécale rendaient l’atmosphère intolérable. « Pas surprenant qu’ils beuglent à longueur de journée, pensai-je. » À peine avais-je pris place dans mon nouveau logis qu’on prononça un discours officiel à l’intention des incarcérés :

« - Avec l’arrivée du nouveau pensionnaire, l’Administration des Cages souhaite informer tous les prisonniers du règlement temporaire suivant :

- Advenant le cas où un prisonnier blesserait ou tuerait le pensionnaire en question, il sera automatiquement condamné à mort, sans possibilité de pardon. Ses biens et possessions personnels seront mis aux enchères, et aucun contact avec les proches ou la famille ne sera permis. Advenant le cas où un prisonnier déjà condamné à mort enfreindrait ledit règlement, des procédures punitives extrajudiciaires seront prises.

- Le Shérif sera exécuté dans quarante-huit heures.

Un murmure rageur parcourut le corridor. Tout le monde savait ce qu’ils entendaient par « procédures punitives extrajudiciaires ». On torturerait leurs proches, violerait leurs femmes et filles, puis volerait leurs résidences. Bien que certains des condamnés n’eussent ni argent ni famille, l’Administration croyait que le règlement en découragerait une forte majorité. Ils n’avaient pas tord. Ceux qui pourrissaient dans les Cages depuis un bon bout de temps comprenaient les méthodes du shérif local et de ses députés. Lorsqu’on manquait de place pour un nouveau venu, par exemple, on se contentait d’avancer une date d’exécution et de pendre un malheureux sur-le-champ.

« Deux jours avant de me transformer en bête de foire, alors… » Mon corps endolori et mon esprit tourmenté ne me permettaient pas de réfléchir clairement. Une foule d’idées floues se succédaient dans ma tête, sans que je puisse en saisir une seule. Comme ça, on m’enlèverait la vie? Soit. Depuis qu’ils m’avaient pris Rose et Alex, de toute façon, je n’étais rien de plus qu’un mort-vivant assoiffé de sang. À quoi bon résister? À quoi bon me battre? Impassible et résigné, je m’endormis sur le béton froid de ma cellule.

***

Ils me bâillonnèrent avant même qu’un son ne s’échappe de ma bouche. Une vingtaine de secondes de confusion passèrent. Que m’arrivait-il? Étais-je encore en train de rêver? Deux minutes plus tôt, je caressais le doux visage de Rose dans mes songes. Après m’être débattu en vain, je repris sur moi et compris dans quel pétrin je me trouvais : quatre détenus me plaquaient au sol, m’empêchant de lever le petit doigt. « Ils vont me buter, y’a pas de doute. » Lorsque je reconnus le visage d’un député, cependant, ma mort sembla moins certaine. Qu’est-ce que ce connard pouvait bien foutre là? Un cinquième prisonnier entra, sourire aux lèvres. Ce qu’il traînait me fit blêmir de terreur, mais la guenille dans ma bouche étouffa mes cris. Une étoile, mon étoile de shérif, brillait d’un orange vif, soudée à une barre de métal. « Oh putain, tuez-moi, mais pas ça, pensai-je. Pas ça! » On déchira ma chemise; je fermai les yeux. Le métal brûlant s’enfonça lentement sur ma poitrine. Des larmes de douleur roulèrent sur mes joues pendant qu’une odeur de chair cramée emplissait mes narines.

« - Tiens, fils de pute, comme ça tu mourras comme t’as vécu. Pas comme un des nôtres. Mais bien comme un emmerdeur de shérif.

- C’est pour chaque gars qui a fini au bout d’une corde par ta faute. Pour qu’ils puissent te r’connaîtrent quand t’iras les r’joindre. »

Partie 6 : Renaissance

Mes vingt-quatre dernières heures ne furent pas des plus agréables. Derrière ma poitrine scarifiée, l’émiettement de mon cœur s’achevait lentement. J’en voulais à tout le monde. À mon frère, pour s’être allié à des racailles et pour avoir royalement foiré; à ces cinglés de Black Owl, qui s’assureraient que je crève dans l’humiliation; et à Smith, ce monstre de Brit, auteur du massacre illégitime de ma famille. À qui en voulais-je le plus, pourtant? À moi-même. « Pas de vengeance… rien. Tu pars sans que justice n’ait été rendue, sans avoir fait ton job. » Je trépasserais, et lui, l’ordure, s’en tirerait sans une égratignure. Quelle ironie! Au lieu de vociférer contre l’absurdité de la situation, je tentai de concentrer mes pensées sur Rose et Alex. « Tu vas les rejoindre, au moins… c’est déjà ça de gagner. »

La foule jubilait. Excités, les gens de la ville s’étaient pressés aux abords de la scène, arborant leurs pires habits. On gueulait, on tapait des mains, mais, surtout, on pariait. La plateforme d’exécution de Black Owl était conçue pour que l’on prenne de tels paris : très basse, elle assurait une chute qui ne brisait pas les vertèbres d’un coup sec. L’étranglement du condamné dépendait donc de sa résistance physique et de son poids. On me guida à travers la foule. Plusieurs me lancèrent des roches, d’autres, plus motivés, me mordirent. Un homme enragé dégaina son pistolet à mon passage, mais on le poignarda avant même qu’il ne fît feu : personne n’allait gâcher le spectacle.

Sur les planches, on retira les lambeaux de ma chemise, exposant à la populace l’œuvre des prisonniers des Cages. La vue de ma cicatrice étoile les réjouit; certains sifflèrent, d’autres entonnèrent des hymnes locaux.  Abasourdi, je gardai le silence. Je fermai mes paupières. La paix, voilà ce que je cherchais. On passa la corde de chanvre autour de mon coup. Elle viendrait bien assez tôt, cette paix.

« Vos dernières paroles, Shérif? »

Ni ma bouche ni mes yeux ne s’ouvrirent. Je ne leur donnerais rien. Pas de tristesse, pas de colère, pas de pleurs, pas de paroles… rien. Pourquoi participerais-je à ce cirque morbide, après tout? Non, ils n’auraient rien. Je mourrais seul, sans leur accorder une once d’attention. Une puissante gifle me secoua, mais je ne bronchai pas. Quand on répéta le geste, je crachai au visage de mes bourreaux, sans toutefois les regarder. La corde se resserra. « Rose, ma bien-aimée, Alex, mon fils… je m’en viens. Patientez quelques secondes, et je rentre à la maison. »

L’agitation de la foule troublait mes adieux silencieux. On gueulait de toute part. Ça m’énervait. On criait de plus belle. « Ils attendent quoi, merde, que j’meurs d’épuisement? » Distrait, j’écoutai plus attentivement les sons environnants. Quelque chose clochait. Les gens n’étaient plus festifs, non… ils semblaient terrifiés. La foule avait peur, mais peur de quoi? Agacé, j’ouvris les yeux. Ils s’écarquillèrent aussitôt : des dizaines de tonneaux enflammés dévalaient la pente menant à la place publique de Black Owl. Certains explosaient en chemin, propageant quantité de poudre et de fumée noire. « Bordel! Mais qu’est-ce qui se passe, nom d’un chien? » Six cavaliers, armés et masqués, suivaient le carnage au grand galop. Avant que je ne comprenne ce qui se passait, on abattit mes gêoliers. Ils s’affaissèrent à mes pieds. Persuadé que les démons eux-mêmes étaient sortis des enfers pour venir me chercher, je refermai les yeux.  Les spectateurs s’étaient enfuis, craignant pour leur vie. Ceux qui osèrent rester furent tués illico par les membres du mystérieux groupe.

Le plus grand d’entre eux monta en douceur sur la plateforme. Il sectionna ma corde, et je pus enfin respirer librement. Ses yeux bruns, seule partie visible de son visage, me fixaient. Qui étaient ces inconnus? « Chose certaine, ils ne veulent pas ma peau. » Des hommes de Smith? Peut-être. Leur apparence, par contre, suggérait plutôt que j’avais affaire à des mercenaires, voire des desperados. Il retira son foulard, révélant plusieurs cicatrices, puis prit la parole :

« - Laissez-moi commencer par vous dire, en mon nom et en celui de mes collègues ci-présents, que nous sommes profondément désolés pour votre famille. Nos condoléances.

- Vous… vous les connaissiez? balbutiai-je, étonné.

- Bien sûr, bien sûr. Votre frère faisait partie de la bande, vous savez. Un sacré voleur. Quand on a su ce qui vous était arrivé à vous et à lui… on a, heum, prié pour vous disons.

La bande de hors-la-loi de mon frère, indirectement responsable de tous mes tourments, s’était portée à ma rescousse. « Pas croyable! » Incrédule, je dévisageai le chef, planté devant moi, pendant un bon moment sans rien dire. Ensuite, je lui assénai un coup de tête phénoménal. Il tituba. Les cinq autres gaillards pointèrent leurs armes vers moi dans un seul mouvement. D’un signe de main, il leur ordonna de se calmer.

« - Ça va, les gars, ça va. J’imagine que je le méritais, celui-là. Écoute, Shérif, on est pas venu te casser les couilles, et je passerai pas par quatre chemins. Depuis l’incident sur la ferme de Smith, il nous manque un gars. Après avoir entendu parler de tes exploits sur le train des Brits, on a pensé qu’on pouvait t’offrir une chance et, du même coup, sauver ton cul.

- M’offrir une chance de faire quoi, exactement?

Sans répondre, il se déplaça, puis montra du bras la bande en souriant. Je descendis de la plateforme. Déboussolé, je les observai un moment. « Alors là, mon gars, t’es tombé sur le gros lot! riai-je intérieurement. » Un nègre, qui avait dû en avoir marre de servir un maître, astiquait le canon de sa carabine. À ses côtés, un apache, muet, fixait l’horizon. Il me donna un sac contenant presque toutes mes possessions. Un vieux barbu et un jeune homme, habillé élégamment, conversaient à voix basse. Un peu plus loin, un rouquin sirotait une fiole d’alcool. Même à cette distance, il puait le whiskey. Les six hommes, incluant le chef, contemplaient chacun de mes mouvements. Aucune haine ni menace ne brillait au fond de leurs yeux. Au contraire, j’y décelai une sorte d’invitation.

Ce qu’ils m’offraient? Continuer à vivre, c’est tout. Je repris le vieux révolver qu’ils me tendaient, le fit tourner deux fois sur un doigt, puis l’insérai rapidement dans son étui. D’un hochement de tête, j’acceptai. On me tira mon chapeau troué, que je déposai soigneusement sur mes cheveux sales. Tant qu’à mourir au bout d’une vieille corde, aussi bien vivre à coups de Colt.

FIN